Monoï de Tahiti

LOCATIONTahiti, Polynésie Française
CATEGORIEPhotographie, Reportage
DATEJuly, 2020
COLLABORATIONAvec Yves Rocher

C’est au petit matin, après une nuit légèrement plus humide malgré la saison, que le soleil pointe doucement son nez. Les yeux encore embués de fatigue, direction la presqu’île pour rencontrer une famille de récolteurs de fleur de Tiare Tahiti. Le ciel est dégagé mais une sensation d’humidité persiste encore. Devant nous, d’immenses champs où grandissent et s’épanouissent des bosquets de Gardenia taitensis.

Hei* s’active à la récolte, un bac rafistolé modestement qu’elle maintient en bandoulière. D’un geste précis, rapide et naturel, elle récolte les fleurs de Tiare en se faufilant entre les différents arbustes. Depuis bien des années, ce travail rythme ses journées et débute de la même manière : un réveil au aurore, une ballade routinière dans les champs puis la cueillette de Tiare fraiches, encore en boutons, avant que les pétales de Tiare ne s’ouvrent, pour laisser échapper ce parfum délicat. La présence de ces fleurs, en cette période de pluie, est moins importante que pendant la période estivale.

En quelques heures à peine, avant que le soleil ne batte son plein, Hei achève sa tournée et se rend à l’arrière de son pick-up. Elle s’attèle au comptage des fleurs cueillies dans son bac en bandoulière et, munie d’une feuille d’auti (cordyline) et d’un élastique, elle les arrange en paquet de 50 ou de 100 fleurs. Ces paquets de fleurs, elle les vendra pièce.

Les champs de fleurs de Tiare Tahiti Gardenia taitensis s’étendent au loin, jusqu’au pied des montages de Tahiti, en Polynésie Française. C’est ici, au petit matin, que l’odeur des fleurs de Tiare ravive les sens et c’est également le berceau de la fameuse huile Monoï, niché dans un coin de l’océan Pacifique. Le Monoï, ce secret de beauté des polynésiens, est réputé et convoité dans le monde entier pour sa senteur d’été et ses nombreuses vertus.

La fleur de Tiare, enivrante par son odeur singulière, est profondément ancrée dans la culture tahitienne. En plus de son rayonnement fort, elle s’écrit dans les légendes, fait vivre les traditions, se confectionne en colliers, en couronne, s’utilise dans le domaine du cosmétique, voir même gustatif!

On compte aujourd’hui dans les registres environ 10 000 coprahculteurs, dont 60% proviennent de l’archipel des Tuomotu.

Sur les îles et atolls de Polynésie, les cocoteraies en abondance ont ouvert des opportunités d’exploitation pour ses habitants. Les cocos sont ramassés à même le sol. L’ouverture de la noix se fait avec une machette et le dépulpage avec un outil recourbé tel une fauche arrangée. Les gestes sont vifs, précis de part leur maitrise. La chair de coco récoltée est ensuite étalée minutieusement sur des séchoirs rustiques mais fonctionnels, les exposant ouvertement au soleil et à la chaleur de la journée. A raison de plusieurs remuages par jour, le séchage de la chair se poursuit sur plusieurs jours, voir quelques semaines, jusqu’à évaporation de l’eau. Un système de protection en toile permet de recouvrir l’étalage et les protéger de la pluie capricieuse.

Le coprahculteur remplit des sacs de 25 à 30 kg de coprah et les achemine jusqu’au port maritime. Là, un bateau attend le chargement de coprah pour une livraison à Tahiti, direction l’Huilerie nationale. A Huahine, île de l’archipel de la Société, chaque mercredi est dédié à la pesée et au chargement. Les habitants de l’île se réunissent au port, où leurs sacs seront examinés, classés par catégorie puis pesés. Chaque coprahculteur est rémunéré par la quantité en kilo et la qualité du coprah fourni. Le temps de transport de ces sacs de coprah jusqu’à l’Huilerie de Tahiti varie selon les îles, le plus long étant d’environ 2 semaines pour les Marquises.

La coprah culture cocos nucifera fait suite à une demande conséquente de matière première pour la filière de production d’huile de coco, principalement alimentaire. L’utilisation de coprah raffiné, à destination du secteur cosmétique, utilisé pour la production du Monoï ne représente qu’une infime partie de l’exploitation.

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Huilerie de Tahiti

L’huilerie a été créée en 1967 dont le territoire est le principal actionnaire. A réception du coprah séché, l’huilerie transforme le coprah en huile brute ou raffinée. Le coprah brut est destinée à l’export, tandis que l’huile de coprah raffinée destinée au Monoï ne représente seulement qu’une infime partie de la production. Cette dernière nécessite uniquement les coprahs provenant de terres coralliennes.

Le processus de production se fait par broyage, chauffe à 170°, pressage puis filtration. Le raffinage enlève les impuretés grâce à un chauffage à 110° avec de d’argile blanche et une double filtration avec de l’acide phosphorique pour l’odeur et le taux d’acidité. Il y a environ 15 tonnes d’huile raffinée à la demande par semaine. Le reste de résidus du coprah transformé en poudre (appelé tourteau) est repris par des agriculteurs. Les particuliers tout comme les producteurs industriels de Monoï, viennent se fournir en huile de coprah raffinée.

Pour produire le Monoï de Tahiti il est nécessaire de se procurer des fleurs de Tiare fraichement cueillies et de l’huile de coprah qui servira à macérer les délicates pétales pendant plusieurs jours.

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Originellement, la fabrication du Monoï est un héritage de plus de 2000 ans. Réservée aux nobles, puis progressivement démocratisée au sein des familles polynésiennes, la production est restée fidèle à elle-même.

Aujourd’hui, on distingue deux principales techniques de fabrication : Une production plus traditionnelle, faite maison, avec pour ingrédient, des noix de coco, fleurs de tiare et un petit crustacé (Bernard L’hermite, crevette ou encore un crabe). Ces dernières sont ouvertes et libèrent des enzymes permettant l’accélération de la fermentation de la chair de coco. La deuxième méthode plus industrielle, dédiée à l’export, se réalise en grande quantité et suit une réglementation rigoureuse.

L’Appellation d’Origine Monoï de Tahiti (AOP) consiste en un cahier de charge strict, dont un des principaux critères se caractérise par le lieu de production : uniquement en Polynésie Française, dans le respect d’un savoir-faire unique depuis maintenant 1992.

Parmi les producteurs de Monoï de Tahiti, nous retrouvons le Laboratoire de Cosmétologie du Pacifique Sud ou encore Parfumerie Tiki. Les fleurs de Tiare fraichement récoltées du matin, sont équeutées à la main et sont mises dans un sac souple d’infusion.

Les fleurs sont ensuite disposées dans des cuves de macération, attachées à un crochet, pendant 10 jours selon l’AOP. Une agitation lente a lieu lors de la macération (agitateur à palme) 2h chaque matin. Le Monoï est ensuite filtré puis transféré dans des cubits identifiés, avant d’être transporté partout dans le monde.

Aujourd’hui considérée comme un incontournable de l’été, le Monoï de Tahiti est une huile iconique, véritable source de vertus hydratantes à la fois pour le corps mais aussi pour les cheveux. Fruit d’un héritage culturel qui perdure, le Monoï de Tahiti demeure une huile que les polynésiens gardent précieusement dans leur Fare (maison) et dont les secrets de production permettent de faire rayonner la culture bien au-delà des océans.

Merci à

Yves Rocher

Laboratoire de Cosmétologie

Pacifique Sud

Laboratoire de Cosmétologie

Monoï Tiki

PARFUMERIE TIKI